Incontro
Nous avons reçu dans notre boîte aux lettres une invitation adressée aux "familles résidentes de Taibon" à une réunion d'information sur les actions réalisées par le Conseil Municipal en 2016, et celles prévues pour 2017.
Nous n'avons bien sûr pas le droit de vote ici, mais il y a trois ans nous avions suivi les élections et entre autre assisté à la présentation de leur programme : nous décidons donc de réserver notre vendredi soir à cette réunion.
A 20h00 pétantes, nous sommes sortis de chez nous pour nous rendre compte que nous étions précédés de 50 mètres par nos gros voisins. Nous nous sommes interrogés sur la probabilité qu'ils participent à la réunion de politique locale, un peu dubitatifs tout de même - ce sont des travailleurs de la Luxottica qui passent leurs soirées devant la TV, et dont la mamie préfère passer la matinée pendue au téléphone, assise dans notre petite court bétonnée à surveiller le gamin de 3 ans qui n'y trouve rien à faire, plutôt que d'aller avec lui au Parco Giocchi situé à 200 m de chez nous. A mieux y regarder, la famille était au complet : les parents, le gosse, la mamie, et les parents de monsieur. La probabilité estimée venait de descendre à 0%. Nous les avons dépassés et nous ne les avons plus revus de la soirée.
En passant devant chez Aldo, 50 mètres plus loin, j'ai apperçu Ivano attablé devant un café, et ma motivation a failli flancher : cela fait longtemps qu'on ne l'avait pas vu, j'aurais bien été juste passer la soirée au bar à discuter avec lui !
Plus que 10 mètres et nous sommes arrivés à la l'ancien Municipio, où une vingtaine de personnes était déjà installée au fond de la salle. Nous avons du patienter un petit quart d'heure que l'assemblée s'étoffe un peu, alors nous avons essayé de reconnaître quelques visages. Il y avait bien sûr le vieux con (notre voisin du dernier étage), mais aussi nos voisins de gauche, Gaston et sa femme qu'il surnomme El Commandante (pour qui nous avons beaucoup plus de sympathie), et enfin une voisine qui habite en face du torrent (une petite dame qui participe comme nous aux "journées écologiques" de Taibon). Nous avons aussi repéré le rouquin qui parle français, Alessandro - qu'on croise normalement plutôt au bar, il fait partie du club des joueurs de cartes. Et bien sûr, il y avait ce couillon de Giorgio.
La réunion a commencé par un discours du Conseil Municipal des enfants, composé essentiellement de fils et filles des notables de Taibon. En Italie en général, et peut-être dans nos montagnes en particulier, les enfants semblent être leur dernière richesse dans laquelle ils semblent mettre beaucoup d'espoir. Sauf que sitôt que les jeunes finissent leurs études, ils constatent qu'ils n'ont plus leur place, que cette société n'a de la considération que pour les seuls bambins (uniquement à l'âge où ils ne peuvent rien remettre en question), et que le mieux maintenant pour eux, c'est de se barrer. Ce qu'ils font dans leur grande majorité. Bref, la mini-Maire nous a expliqué qu'ils avaient participé à plein de réunions et pas fait grand chose de concret, mais à leur âge c'est finalement déjà bien. A la fin, la Maire les a félicité et encouragés en leur disant qu'ils étaient "l'avenir de la classe dirigeante", et là ça m'a fait froid dans le dos : ceux-là ont effectivement leur chemin tout tracé. Reprendre l'affaire de papa, et sièger à la Mairie.
Nous sommes passés ensuite aux choses sérieuses, en commençant par un petit panorama de la population de Taibon : 1750 personnes, dont 270 célibataires, 220 couples, et le reste - soit un peu près autant de foyers - sont des familles avec enfants, essentiellement avec 1 voire 2 enfants. Plus, c'est vraiment rare, d'ailleurs on ne compte qu'une seule famille de 5 enfants : ils doivent pas être originaires du coin ceux-là !...
Ensuite, nous avons eu droit à l'énumération sans fin des grands et petits travaux réalisés : dans les petits, essentiellement des raccommodages de routes, et des changement de barrières de sécurité en bois, dont ils ont fait l'effort de nous montrer une photo du lieu à chaque fois. Pour les gros, la route via Nogarola qui mène à la zone industrielle et par où passe la piste cyclable qui mène à Listolade (170KE) a été entièrement refaite. Et surtout, le nouveau stade de foot (peut-être 350KE, mais bizarement le slide avec le montant est passé si vite qu'on n'a pas eu le temps de bien lire). A nos yeux, une hérésie : deux terrains de foot pour 3 équipes de foot, toutes classes d'âge confondues ?
Dans les travaux prévus - et déjà financés, donc pour lesquels le débat est clos -, c'était encore pire. Ils projettent de reconstruire la maison abandonnée près du lac des Peschiere pour la louer sans doute à une activité touristique, peut-être un B&B - pourquoi pas ? -, mais surtout, ils ont dans la tête de construire un "auditorium", c'est à dire un théatre en plein air, juste derrière, en plein dans les bois. Mais il va servir à quoi, ce truc ? Même en plein été, il fait froid le soir, et j'imagine pas plus de 50 personnes venir à une manifestation à cet endroit. Et comme c'est loin de tout, ça veut dire qu'ils vont encore bétonner un énorme parking, vu que personne ne sait plus marcher.
Un autre projet dans les cartons, la Piazzale Tegnas (du nom du torrent qui coule depuis le Val San Lucano) qui sera essentiellement composée de parkings (encore !), d'un terrain de jeu multisports en béton, et d'un nouveau Parco Giocchi (imaginé par le Conseil Communal des enfants, projet irréfutable d'utilité publique, bien joué !), le tout construit le long du Cordevole, sur les derniers grands prés plats et libres de toute construction à Taibon. Les dérives du béton, même dans les petits patelins... Tristesse.
Ils ont aussi passé beaucoup de temps à nous expliquer qu'ils avaient des budgets pharaoniques pour des grands travaux - ils prévoient de mettre bientôt 8 millions d'euros dans la rénovation de la bâtisse de Campigat, à la forcella Cesurette - grâce aux fonds débloqués pour les communes limitrophes avec le Trentin, entre autre. Mais que pour la gestion ordinaire, comme les petits travaux de manutention, ils n'avaient pas de fric. Qu'on ne s'étonne pas donc si les demandes simples des concitoyens ne sont pas prises en compte, mais qu'on fasse un nouveau terrain de foot... nouvelles constructions dont il ne faut pas être devin pour comprendre qu'ils n'auront donc pas les moyens de leur maintenance !...
En fin de soirée, l'assistance a enfin pu participer. Le seul qui a pris le micro, c'est le rouquin - nous avons compris ensuite qu'il avait été administrateur dans une précédente équipe, une époque où le même Maire avait été reconduit pendant 25 ans ! Il a été très posé et constructif dans son discours, mais les a attaqué sur tous ces grands projets qui semblent bien peu adaptés aux besoins des autochtones, et pour lesquels il a demandé un peu plus de consultation de la population. Il a parlé des comportements inciviques sur les aires de pic nic. Il a aussi souligné l'absence de soin dans les détails, par exemple, il a noté comme nous l'absence de fleurs sur les balconnières de la Mairie et du pont, l'été dernier.
Concernant les aires de pic nic et la nouvelle aire de camping car en fond de val, nous avons appris qu'en l'absence de toilettes... eh bien, les gens trouvaient certainement quelques buissons aux alentours. Nous n'avions pas remarqué ça, pourtant nous sommes des utilisateurs assidus des aires BBQ... La Maire s'est dit favorable à faire payer l'accès pour inciter au respect des installations (sic), mais que comme certains services basiques comme l'eau courante et les fameuses toilettes n'étaient pas mises à disposition des utilisateurs, elle s'y refusait pour l'instant. Elle a précisé par ailleurs que cela représentait des travaux d'une valeur de 30000 euros juste pour faire venir l'eau... et là, on se demande pourquoi personne ne parle de toilettes sèches, mais visiblement le comodo et la modernité doivent arriver jusqu'au fond du bois (de même que la 3G et le wifi gratuit d'ailleurs, un autre beau projet d'humanisation de ce dernier bastion de l'environnement sauvage).
Concernant les fleurs, la réponse de la maire a été édifiante : 10 bonnes minutes à sortir les rames pour raconter qu'ils subventionnent 1000 euros par an une association qui s'en occupe, parce qu'avec les règles des marchés publics auquelles sont soumises les communes, c'est compliqué sinon ! Et que ça a très bien marché il y a deux ans grâce à une certaine Marcella de cette association, qui arrosait matin et soir sur son temps libre. Et qu'à cause d'une erreur de communication - la Mairie croyait que la petite dame allait continuer d'elle-même -, la Marcella n'ayant pas confirmation (ni pognon, sans doute), s'est trouvé un vrai job payé, et ne s'est pas occupé gratuitement des fleurs.
Alors d'un côté, ils veulent mettre en place plein de services payants, pour récupérer des pécadilles au vu du montant des investissements en bon béton, et de l'autre ils remercient les bénévoles qui travaillent gratis pour le bien de tous (la dame des fleurs, les accompagnateurs volontaires du scuolabus et du pedibus, les diverses associations sportives et culturelles, et même la nouvelle gestionnaire très qualifiée de la maison de retraite de l'Agordino). Il faudrait savoir ! La Mairie encourage le gratuit et le don quand cela alimente son système, mais veut faire payer les services en retour ?... Cela ne semble pas bien juste.
Enfin, sa réponse sur la consultation de la population a été encore plus triste : selon la Maire, c'est non seulement difficile de se rencontrer (elle n'a pas le temps), mais en plus cela ralentirait tous les sujets et donc, pour faire vite, le mieux c'est qu'ils décident et fassent seuls. Nous avons compris que la consultation quand elle existe, consistait en l'écoute de partenaires associatifs qui prennent les projets en main, et là nous n'avons pas pu nous empêcher de penser à GS Taibon, l'asso sportive locale qui organise les tournois de foot de l'Agordino et diverses autres manifestations sportives, et qui se voit ainsi récompensée d'un nouveau terrain de foot. CQFD.
A la fin de la réunion, il était bien 22h30, et nous sommes finalement passés par le bar d'Aldo où nous avons recroisé le rouquin. Nous, nous y avons discuté jusqu'à minuit passé de politique locale et moins locale avec Aldo, qui était en très grande forme et intarrissable sur ce sujet !









