Ce soir, c'était poisson ! Et micro-invertébrés (ce qui inclut les larves d'insectes), tous les machins qui grouillent et qui sont très utiles pour morceler et dégrader les nutriments qui tombent dans l'eau, et les rendre disponibles pour les poissons.
Ces petites bêtes sont aussi d'intéressants marqueurs biologiques : c'est à dire qu'une altération de leur environnement induit de leur part une réponse biologique marquée (ex. ils peuvent soit proliférer, soit creuver...).
Des normes européennes définissent combien de chacune de ces espèces ont est sensé trouver dans une eau dont la qualité biologique est classée de I (très bonne) à V (sans doute celle de la Seine à Paris ! ;) : c'est l'IBE en italien (indice biotico estero), et ça correspond à l'IBGN en français (indice biologique global normalisé).
Maintenant, quelques banalités... du torrent au vaste delta :
- la pente, la granulométrie et la vitesse de l'eau diminuent,
- la température, la portance et la turbidité augmentent.
Du coup, on trouve différentes espèces adaptées aux différents environnements... CQFD.
Certains se sont adaptés aux courants forts en aplatissant leur corps pour être plaqués au fond de l'eau par la force du courant, d'autres ont au contraire une forme hydrodynamique pour améliorer leur nage... d'autres enfin ont développé des structures d'ancrage, comme des ventouses ou de la colle.
Allez, quelques mots d'italien sur la "fauna ittica" (faune piscicole) :
- ils sont fitofagi, predatori plantofagi, predatori bentofagi ou juste predatori,
- dans les torrents, on trouve plutôt des pesci reofili (allongés, avec des nageoires et une queue importantes pour nager dans les courants), et plus les eaux se calment, plus on trouve des pesci limmofili (plus ronds, plus plats).
Dans le Bellunese, côté montagne, on trouve : Trota, Scazzone, Sanguinerolla, ... Un peu plus bas : Temolo, Gobione, Cavedano, ... Et enfin, tout en bas, quand le fleuve Piave est très calme et plat : Tinca, Anguilla (qui vient depuis la mer des Sargasses jusqu'ici ! et ça lui prend une année entière...), Lampreda, Luccio, ...
Donc, chez nous, on a de la truite. Initialement, on avait de la Trota marmorata (marbrée), et puis nos amis pêcheurs on introduit de la Trota fario pour pouvoir pêcher plus... et là, c'est le drame. Ces deux poissons ont des zones de fraies similaires, du coup on ne trouve plus de Trota marmorata qui ne se soit pas hybridée avec l'autre !... Allez, dans le Cordevole, on trouve un peu moins de 10g de truite par mètre cube... me demandez pas combien ça en fait qui passent devant chez nous, j'en n'ai jamais vu. Par contre il y a parfois des pêcheurs...
On a aussi un petit poisson qui ne paie pas de mine, mais qui est en danger de disparition et donc protégé... et malgré tout, il serait vendu au marché noir pour être consommé en fritture ! C'est le Scazzone : Cottus gobio en latin, ou Chabot commun en français. C'est ce petit poisson globuleux et plat qui se confond avec le fond... Dans le Cordevole, je suis pas certaine qu'on arrive à le voir : il y en aurait 1 à 3g par mètre cube, mais ok, si c'est un défi...
On trouve aussi le Temolo (ou Ombre en français), un gros poisson aux reflets bleutés, importé de Slovénie il y a environ 20 ans... encore merci les pêcheurs...
Enfin, on trouve le Sanguinerola ou Vairon.
Tous ces poissons sont suivis avec soin : pêchés au filet, mesurés, étiquetés, relâchés... leur âge peut même se lire dans les écailles, un peu comme pour les arbres : sauf que chaque strie représente ici une période de reproduction. La conclusion des études n'est pas rose : les espèces autochtones (autoctoni) ont bien du mal à se maintenir face à des espèces introduites (alloctoni) pour diverses raisons (mais surtout la pêche...) depuis les années 50.
Entre les prélèvements d'eau pour l'homme, son hygiène, ses cultures ou sa production d'énergie, le rejet de polluants, et aussi le transport, il va sans dire que les fleuves ont la vie dure... et par conséquent leurs habitants.
Par exemple, toute interruption artificielle des cours d'eau (comme les constructions en à pic de type briglia qu'on trouve dans les montagnes, mais pas seulement) interdit la remontée des courants, et contribue à une baisse de la biodiversité... La solution la moins coûteuse serait de les transformer en rampes en ajoutant des pierres pour "casser" la pente.
Car les déchets (même naturels !) continuant eux de se déverser dans une eau privée de poissons, et n'étant plus dégradés par les divers organismes, conduisent à l'eutrophisation du cours d'eau...
Depuis, on regarde avec attention toutes les retenues d'eau qu'on trouve sur le Cordevole (et les installations hydro-éléctriques sont nombreuses !) : effectivement, il semble que souvent un passage ait été aménagé pour permettre la remontée du courant par les poissons...